Childfree : je ne veux pas d’enfant  !

"Tu verras ça finira par venir !"

Sauf que tu ne m'as pas écoutée... Je ne veux pas que ça vienne. Mais toi, je veux bien que tu t'en ailles par contre (Michel Jonasz en PLS). Ou comment faire face à la pression sociale très longtemps intégrée dans nos esprits et dans nos utérus.

50 nuances d'utérus : la place de la femme

La femme, telle qu'elle est perçue par notre société, à savoir l'opposé dudit homme, l'épouse de, la fameuse derrière chacun voire celle qui vient directement d'un misérable fragment d'os de celui-ci... Ce vase, cet utérus, cet ovule prêt à accueillir, réceptionner la vie que le mâle lui donne (je vous jure qu'on me l'a sortie pas plus tard qu'il y a une dizaine de jours). Bien entendu, je ne parle pas DES femmes, car pour cette même société, une femme c'est "ce qui a un vagin, point".

La "femme" c'est avant tout la gentille petite fille, celle qui va jouer avec ses poupées, faire la maman, s'habiller en rose et déjà se faire pousser dans les buissons par les garçons parce qu'elle ne veut pas de bisous. La femme devient cette ado aidante, qui remplace maman pour le dîner quand papa rentre du travail tout en ressentant le regard changeant du paternel en question. C'est cette jeune et "fraîche" adulte qui a le droit de faire des études, mais pas dans n'importe quel secteur, et puis pas trop longtemps non plus, il faut faire attention à l'horloge biologique. Elle perd ensuite son statut de "Mademoiselle" car c'est important de faire la distinction entre un utérus privatisé ou non, en remplaçant la mère de son mari, enfin, en devenant "la femme de". Et d'un coup, ce même utérus va se voir en payer le prix fort une fois, deux fois, trois fois,... autant de fois qu'il faudra pour assurer la conquête génétique de l'un et la,... tiens j'ai un trou de mémoire,... ah, survie, survie de l'espèce ! C'est marrant ce lapsus,... Comme si au fond de moi, je n'y croyais déjà plus. Bref. La femme devenue mère devra aimer. Aimer ses enfants, être la si répandue mère aimante que toute femme est instinctivement (spoiler : c'est faux). Ce fameux instinct maternel brandi sur n'importe quelle pancarte mentale que sortent les militant.es du droit à la vie. Oui mais ma vie à moi justement, on en fait quoi ? Trop d'amour, et de temps, qu'une fois mère, qu'une fois son utérus ne pouvant plus accueillir les trompes grandes ouvertes la dite Vie, il faut qu'elle soit grand-mère, sinon à quoi sert-elle ?

Une femme ne fait que vivre la vie d'autres femmes. Celle qu'elle doit devenir, celle de sa mère, celle qu'on veut épouser, celle de la mère de l'autre, de ses enfants, de ses petits-enfants. Elle devra passer le reste de la sienne dans le deuil, à attendre de finir poussière pour être balayée de l'histoire et finir dans une urne,... utérus symbolique ?

Je ne veux pas d'enfant et j'en souffre

J'ai toujours vécu dans une sorte de souffrance timide, discrète, celle à qui on ne laisse pas la parole parce que ça ne fait pas très bien de se plaindre, et puis se plaindre de quoi, j'ai le fameux "tout pour être heureuse". Ce sentiment d'être en décalé de la société, des gens de mon âge, des gens tout court. Ni en avance, ni en retard, juste pas sur la même voie, la même planète (enfin si, celle qui part en lambeaux, j'y suis bel et bien). Triste, ou chanceux, sort réservé aux équidés bicolores.

Ce décalage, je l'ai également vécu concernant l'envie d'enfant. "Envie"... Je pars du principe que l'envie c'est quand on a le choix et/ou la possibilité. Ici, avons-nous vraiment le choix ? "Tu verras quand tu auras des enfants. Profite avant d'avoir des enfants. Quand tu auras tes enfants,..." est-ce là le choix qu'on nous laisse ? Cette certitude certaine que chaque "femme" aura, car c'est comme ça, des enfants dès qu'elle est assignée femme à la naissance. J'ai moi aussi "voulu" des enfants,... Lorsqu'on me disait "quand tu en auras". Car je n'avais jamais eu l'occasion de côtoyer une tout autre idée, la possibilité de faire sans. Je ne savais pas que j'avais vraiment le choix, qu'il existait plusieurs options allant d'un extrême à l'autre, avec des nuances. En effet, un enfant ça ne suffit pas non plus, il en faut plusieurs puisque "il (iel*) va s'ennuyer tout seul, tu dois lui faire un petit frère ou une petite sœur pour jouer". Jamais assez. Jamais parfait.

Dans mes relations, toxiques ou non, la fatalité d'enfant(s) était bien entendu présente. De différentes façons... Par acceptation de ce que la société me dictait à travers le devoir de procréer pour l'espèce, de donner un garçon à untel, de donner des petits-enfants à d'autres, donner, toujours donner de soi, en être satisfait.e et devant être redevable d'avoir la chance de donner, de ne pas être égoïste (mais envers qui au juste ?) à coup de "Alors c'est pour quand ? On veut un cousin pour les nôtres !", j'ai aussi cru vouloir. Du moins, j'avais aussi accepté que je devais faire des enfants. Mais au fond de moi, de mon ventre se creusant, tel un gouffre, je ne me suis jamais imaginée avec des enfants, je n'en ai jamais voulu. Un gouffre, non pas parce que je suis un être doté d'un utérus à remplir (puisqu'il "sert à ça") et qu'un vide en moi se créait à force d'attendre. Un gouffre, sans fin, pour être sûre que rien ne s'y accroche.

Alors tu souffres... En silence car, tu es seul.e dans cette situation. Tu fais face aux convaincu.es mais aussi à celleux qui se mentent, se trahissent par peur du rejet et du jugement. Tu vas contre toi-même, encore une fois, tu te forces à prendre le même chemin que les autres, mais même en faisant cela, tu constates que tu avances à contresens et donc au final tu recules. Ma souffrance tue, ma souffrance me tuait.

Mon non-désir d'enfant assumé

Mais pourquoi je ne veux pas d'enfant ? Je respecte totalement le désir des autres même si parfois, forcément, je le questionne au vu de la situation actuelle. Mais qui suis-je moi, défendant l'idée d'avoir le choix, pour définir la légitimité ou non d'une des options ? Mes raisons à moi sont personnelles, nombreuses et en aucun cas une façon de convaincre autrui. Car au fond d'elleux-mêmes, les gens savent, iels doivent juste assumer leur choix.

J'assume de ne pas ressentir le besoin d'enfant. Je ne souhaite pas ajouter un être au tableau. Égoïste moi ? Oui, je pense à moi en n'ayant pas d'enfant parce que je n'en veux pas. Est-ce forcément "mauvais" de penser à soi ? Est-ce moins égoïste de faire naître un enfant quand on ne se sent pas capable de l'aimer et de le protéger comme il se devrait en lui apportant tout ce dont il a besoin financièrement et affectueusement ? Est-ce moins égoïste de faire naître un bébé (qui lui n'a rien demandé au passage) dans ce monde pour une envie personnelle d'aimer ses propres gènes ? Sa continuité physique ? Mes parents dans l'histoire ? Bah justement, c'est mon histoire. Iels ont eu la leur. Leurs enfants. Mon mec ? Il a aussi sa vie, ses propres désirs, et tant mieux si nous avons les mêmes. Mes beaux-parents ? Mais attendez, on parle de moi qui devrai potentiellement tomber enceinte, accoucher, m'occuper des gamin.es jusqu'à la fin de mon existence ou d'Autrui encore une fois ?

Pire,... "Sois contente que j'ai fait ton homme, sinon vous ne seriez pas ensemble" m'a-t-on lancé une fois en rigolant (et je le sais, avec plein d'amour, sans aucun jugement). Cette phrase m'a fait énormément réfléchir à quelque chose pour laquelle j'ai déjà posé ma réflexion. Faire des enfants pour les enfants d'autrui,... Mais jusqu'où allons-nous ? Ça me donne cette impression d'être l'agneau face au loup version revisitée : si ce n'est pas pour lui, toi ou moi, c'est pour ceux des autres moutons. J'aime ma vie actuelle, telle qu'elle s'offre à moi. Oui, j'ai des moments de doutes, des épisodes dépressifs liés à mon passé et à mon anxiété, mais j'aime la liberté que je me donne le droit d'avoir. Ne pas m'imposer d'horaires ni même de lieux, des attentes, des maladies, des écoles, des sacrifices, des peurs de mal faire, de manquer de quelque chose, qu'iels manquent de quelque chose, d'être moi aussi et peut-être, une mère mal aimante car je n'ai pas la force et la stabilité,...

Ma santé mentale et physique ne supporterait simplement pas un enfant. J'ai mes propres traumas, mes propres fragilités, mes propres angoisses. I mean,... Je suis déjà bien trop cernée sur cette photo sans enfant, alors imaginez avec ? Plus sérieusement... J'ai un retard de sommeil qui rendrait jalouse une colonie de fourmis. Une hypersensibilité mise à rude épreuve chaque fois que je fous le nez, l'œil ou encore l'oreille dehors. Je ne supporte même pas un cri d'enfant dans la rue du 5ème étage... Je n'ai pas ou plus de patience, je ne suis pas bonne pédagogue, je suis beaucoup trop maniaque, je ne veux pas que quelqu'un.e soit dépendant.e physiquement ou psychologiquement de moi, pour mon bien-être mais surtout pour le sien,... tant de raisons intrinsèquement liées à qui je suis simplement et qui je ne veux plus changer ou travestir.

Et puis quel avenir ? Quel avenir allons-nous laisser aux générations futures ? "Oui mais faut faire des bébés écolos pour contrebalancer nos erreurs !" donc, il "faut" faire des enfants pour qu'iels assument elleux, nos responsabilités et nos conneries ? Iels doivent elleux, respirer l'air pollué, se nourrir de plastique et de pesticides, vivre dans la pauvreté, les conflits, LGBTphobie, racisme, sexisme, validisme, classisme, et toutes les merdes en -isme sous 50 degrés pour faire balance ? Il ne faut pas. Si nous le désirons, alors oui. Mais d'autres êtres n'ont pas/plus à payer pour nous. Il est temps d'assumer. "Tes femmes ancêtres se sont battues pour que tu sois libre aujourd'hui et toi, tu veux arrêter leur travail en ne lançant pas une nouvelle génération pour changer les mentalités !?" (véridique) euh, je ne suis pas une usine à guerrières 2.0 mais tu peux arrêter toute production de ton côté ceci dit !

Ma liberté de ne pas vouloir d'enfant

J'ai énormément d'amour à donner. Il y a déjà suffisamment d'êtres vivants qui en sont privés ou en manquent. Qu'ils soient enfants, adultes, poilus ou non,... Suis-je obligée d'aimer un.e mini-moi pour être une bonne personne, réussir ma vie, servir à quelque chose, tenir mon rôle de "femme",... ? On aime me lancer l'ultime argument "Oui mais tu verras, tu regretteras !". À nouveau, cette même certitude certaine que, me définissant comme pleinement femme dotée d'un utérus en bonus (ou malus ?) je vais regretter quelque chose que je suis censée avoir contre mon gré. Regretter quoi ? Ma liberté de penser et vivre comme je le sens tant que ça ne nuit à personne ? Je préfère regretter de m'être respectée quand je le devais, que regretter d'avoir participé à mon malheur en connaissance de cause pour le bien de l'Humanité (j'emmerde l'Humanité quand je vois ce que l'Humain est réellement).

Je me suis libérée de beaucoup de diktats, même si rien n'est encore parfait. Des années de conditionnement ne s'effacent pas en deux ou trois ans de déconstruction et de reconstruction. Mais j'ai au moins l'ouverture d'esprit et la volonté de m'améliorer dans bon nombre de domaines, de m'accepter davantage, de m'aimer pour qui je suis dans son ensemble sans tenir compte de cette cellulite à droite, ce bouton à gauche, ces cernes omniprésents, mon perfectionnisme maladif qui m'empêche d'avancer, ma peur profonde de mourir par manque de sécurité quand j'en ai eu besoin enfant ou adulte,... Et forcément, celui d'avoir, de devoir avoir des enfants ne fait plus partie de mon accomplissement personnel.

Aujourd'hui, je ne me sens plus coupable de ne pas vouloir d'enfant. De ne pas prendre ledit chemin fatal et indispensable pour être une personne considérée dans notre société. Et encore, nous devons faire des enfants, mais pas non plus rester à la maison pour s'en occuper. Il faut qu'on aille gagner moins avec un métier qu'on apprécie moyennement car si on s'investit trop ou qu'on aime trop ça, on "néglige sa famille pour une ambition carriériste". Et puis, si on veut des mômes, on ne doit surtout pas le dire en entretien d'embauche, mais en même temps, il faut en faire hin, mais faut pas si je t'embauche. Il ne faut surtout pas avorter non plus, le droit à la vie vous souvenez-vous. Juste pas à la nôtre. Et surtout, surtout, ne pas parler de son souhait de se faire stériliser. Non ça, c'est pour les chiens et chats. Mais un humain ne peut pas se faire stériliser, il risquerait de le regretter (regretter quoi encore une fois ?). Une femme ne "peut pas" se faire stériliser si elle n'a pas minimum trois enfants avant 40ans. Et encore ça, c'est sous prétexte de l'éthique du corps médical qui fait surface une fois de temps en temps tel le p***ain de grain de maïs non cuit dans le paquet de pop-corn. Légalement, nous pouvons quand nous le souhaitons. Non, c'est mieux qu'elle prenne la pilule ! Les gynécos, intermédiaires entre notre utérus et les lobbies pharmaceutiques sont là pour s'assurer qu'on y passe dès notre plus jeune âge grâce aux armes ultimes "C'est contre l'acné, tu auras de plus gros seins, ça te fera maigrir, tu auras des règles plus courtes et moins abondantes". Mais si elle veut en avoir à 41 ans car elle se sent prête, "ah non, vous n'êtes plus toute fraîche Madame, fallait pas autant travailler !" on périme vous savez,...

Je n'ai plus honte de donner les raisons qui, je le rappelle, me sont entièrement personnelles et ne priment absolument pas sur celles des personnes désireuses de fonder une famille (génétiquement parlant). Et j'aimerai qu'il en soit ainsi pour tout le monde, avec ou sans utérus, car la pression à faire des enfants existe aussi auprès desdits porteurs de pénis. "Il faut faire des enfants, il faut que tu aies des garçons, les filles ça se marie et ça prend le nom d'un autre, adopter ce n'est pas pareil, ce ne sont pas tes gènes, quoi t'as fait que des filles ? T'as pas de bonnes cartouches,..." et j'en passe mais c'est bel et bien l'une des tristes facettes de la masculinité toxique dont sont victimes, également, énormément d "hommes".

Je suis enfin libre, à plus de 30 ans, et sans enfants...

Photographie : @whoisreno

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